La mise en mouvement du tourisme d’Auvergne Rhône-Alpes par Lionel Flasseur

Publié le par Vincent Gollain

La mise en mouvement du tourisme d’Auvergne Rhône-Alpes par Lionel Flasseur

Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'interviewer Lionel Flasseur, Directeur général d’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme depuis février 2017 qui, après avoir piloté l’équipe Only Lyon durant 5 années, a apporté plusieurs orientations fortes à la stratégie du comité régional du tourisme comme la stratégie digitale, le tourisme bienveillant ou dernièrement la création d’une fondation. 

Quels sont selon toi les 3 enjeux majeurs pour le tourisme d’Auvergne-Rhône-Alpes pour le reste de l’année 2021 ?

1er enjeu : la relance du secteur touristique pour assurer la survie des opérateurs touristiques : nous avons une stratégie basée sur 3 axes :

  1. La temporalité : plan sur 18 mois glissant découpé en phases de 6 mois et en séquence de 3 mois avec des objectifs et actions spécifiques
  2. L’approche concentrique avec un rôle majeur du tourisme de proximité, suivi du national et quelques rares opportunités à l’International et notamment l’Europe
  3. L’approche mutualisée des moyens humains et financiers avec les territoires ou les opérateurs privés autour des leviers de la digitalisation de l’offre, de la communication et surtout de la distribution.

Sur ce dernier point, nous œuvrons particulièrement à la stimulation des ventes avec des campagnes en partenariat avec les OTA et les distributeurs en ligne tels que Veepee, Expédia, Hotel.com, Abritel, Esayvoyages, Lokapi
Un exemple : Auvergne Rhône Alpes propose aux grandes villes régionales une campagne avec Expédia. Mobilisant 550 000 euros d’investissement (Abondé par AURAT, Atout France, Expédia et 6 villes) pour 100 millions de vues garanties, l’opération s’articule sur un plan annuel, s’adressant aux marchés France et Européen de proximité et au profit des 6 grandes destinations régionales.

2ème enjeu : la transition vers un tourisme bienveillant 
Bien avant la crise sanitaire qui impacte très fortement le secteur du tourisme et les comportements de la population en matière de vacances, Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme avait identifié la nécessité de s’orienter vers de nouvelles formes de tourisme. Nous constations déjà, études à l’appui, les attentes pour un tourisme de rencontre, pour une prise en compte de l’environnement, pour les mobilités douces et la consommation locale.


3ème enjeu : Poursuivre la mise en œuvre des actions de fond de la politique touristique régionale, avec notamment tout ce qui contribuera à la performance des acteurs du tourisme régional, la connaissance des clientèles, le déploiement des marques et labels d’état, le design de l’offre, les aides à l’hébergement et à la commercialisation en ligne, la formation professionnelle avec notre Pôle de professionnalisation Trajectoires Tourisme. Ce dernier s’est complètement repositionné, tant dans sa mission que dans son modèle de gouvernance.

Crédit photo : P. Jayet, AURAT

Crédit photo : P. Jayet, AURAT

Sous ton impulsion, l’agence s’est fortement investie dans les réseaux sociaux. Qu’avez-vous mis en place et quels résultats avez-vous déjà obtenus ? 

L’ambition d’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme en matière de réseaux sociaux est d’avoir une communauté massive mais néanmoins engagée autour de la bienveillance.
Le nombre d’abonnés en 2017 s’élevait à 46 456. On en compte aujourd’hui 803 900 (Auvergne : Facebook 439K /Instagram 77,2K/ Twitter 14,4K ; Auvergne-Rhône-Alpes Facebook : 809K Instagram /152K Twitter /14,8K avec des niveaux d’engagements autour de 7%).

Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, grâce à son taux d’engagement et d’interaction sur Facebook se positionne tous les mois dans le trio de tête dans le classement We Like Travel des destinations touristiques sur les réseaux sociaux en France (NDLR : voir ici).

Progressivement depuis 2019, nos posts sont orientés et imprégnés des notions de tourisme bienveillant avec des thèmes forts et engagés au fil des saisons.

Depuis 2020, avec nos partenaires nous avons mobilisé de nombreux influenceurs. Qu’ils soient micro / nano ou top influenceurs, ils ont pris la parole pour valoriser plusieurs thématiques (Montagne été / Outdoor / Bien-être thermal...) et dans de nombreux territoires de la région (Auvergne / Vercors / Alpes / Ardèche etc…)

Au-delà de la visibilité et des impressions générées par l’ensemble des opérations d’Influence en 2020, ces actions ont également eu des effets concrets :
+ Des réservations en direct ;
+ Du trafic qualifié sur les sites ; 
+ 1000 de jeunes ont réalisé des créations personnalisées sur TikTok. Ils sont ainsi devenus eux même des ambassadeurs montagne déclenchant au total 16 millions de vues (Voir le TikTok de Joyca)

Pour 2021 nous avons mis le cap sur une stratégie d’ambassadeurs renforcée : Lou Barin, Ambassadrice annuelle de Génération Montagne ; Jamy Gourmaud , incarnant annuel des classes de découverte à la montagne pour inciter les enseignants à partir avec leurs classes ; Mc Fly et Carlito, pour inciter à partir en colonies de vacances à la montagne en été ; Solary, pour promouvoir la montagne hiver ; Bruno Maltor, originaire et ambassadeur pour l’Auvergne ;Best jobers, depuis 2 ans, excursions « bien-être thermal et nature » sur nos territoires thermaux ;…

Par ailleurs nous poursuivons les campagnes digitales majeures en France et à l’étranger (1,3 milliards de vues de campagnes payantes en 2020).

Nous innovons sans cesse sur le volet digital pour toujours être en phase avec les attentes de nos communautés. Désormais pour Génération Montagne des dispositifs sur Snapchat et Tiktok viennent en complément des campagnes « classiques ».

Grace à nos 8 podcasts nature « Renaître ici », nous opérons une pénétration sur les plateformes digitales audio : Apple, Spotify, Deezer, salués par Les Inrockuptibles, Télérama, Libération, Slate…

Côté campagnes, des dispositifs sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram sont en place parallèlement avec une diversification digitale en cours de déploiement notamment dans le cadre de la stratégie pour un tourisme bienveillant. 
Nous avons fait le choix de partenaires digitaux français puissants en complément du travail sur les GAFAM avec des campagnes : Michelin, Le Bon Coin, Météo France et à venir avec VEEPEE
Pour l’International des projets mutualisant plusieurs acteurs sont à venir, notamment avec EXPÉDIA.

(c) Génération Montagne

(c) Génération Montagne

Avant la crise sanitaire, ton agence a poussé la notion de « tourisme bienveillant » notamment pour contrer les effets du surtourisme sur de nombreux sites régionaux. Peux-tu nous en dire plus ? Concrètement que mettez-vous en œuvre ? Est-ce vraiment efficace car malgré la pandémie, certains sites semblent à saturation en période haute ?

Comme expliqué plus haut, notre démarche pour un tourisme bienveillant s’est développée bien avant la crise sanitaire mais il est clair que cette vision est plus que d’actualité et qu’elle répond parfaitement aux nouvelles aspirations sociétales, tant de nos publics que de nos professionnels du tourisme.
Nous avons lancé de nombreuses initiatives, tel le manifeste, un site d’emploi, la formation à distance, … Toutes sont consultables sur le site www.tourismebienveillant.org.
La crise sanitaire renforce toutes ces tendances. De récentes études menées notamment avec Sociovision, nous montre la modification rapide des comportements : encore plus de digital (click and collect ; réservation en ligne), la porosité entre le travail et des loisirs conséquences du télétravail, la re-découverte du tourisme de proximité, la recherche de grands espaces et lieux moins fréquentés. Une autre tendance forte est le besoin de prendre soin de soi que l’on peut résumer par la Prévention santé. Ici encore nous avions anticipé et menons depuis 2 ans un travail scientifique avec le cabinet Sprim pour démontrer, études scientifiques à l’appui, les bienfaits de la montagne sur la santé. En complément nous avons ouvert un numéro vert Conseils Santé et bien-être pour que le public soit conseillé et orienté vers les vacances les plus adaptées à sa santé et son bien-être.

Auvergne-Rhône-Alpes ne connait pas un surtourisme tel que celui que nous connaissions avant la crise dans certaines grandes capitales européennes. Cet été et cet hiver, nous avons pu connaitre des pics de fréquentation heureusement très ponctuels. Nous sommes vigilants et travaillons ces sujets avec nos partenaires territoriaux pour développer une stratégie spatio-temporelle, permettant une meilleure répartition des flux dans le temps et dans l’espace. C’est cette stratégie qui nous permet de ne pas opposer croissance et durabilité.
Dans ce sens, toujours porté par le tourisme bienveillant, nous développons une plateforme très ambitieuse qui sera lancé à l’automne 2021 et qui proposera à nos clientèles de proximité des offres durables et bienveillantes sur l’ensemble du territoire. Nous veillons en particulier à faire découvrir des pépites moins connues, des sites moins fréquentés dans un esprit de rencontres et de respect de l’environnement.

Crédit photo : Tristan Shu, AURAT

Crédit photo : Tristan Shu, AURAT

Ma prochaine question concerne un projet très novateur, la création, sous votre impulsion, d’une fondation avec des acteurs privés qui, grâce à un fonds de dotation, vise à participer au financement de projets d’intérêt général. Peux-tu nous en dire plus ? Cette fondation a-t-elle vocation à intervenir en France ou juste en Auvergne-Rhône-Alpes ?

La quête de sens, la solidarité, la durabilité…autant de thèmes qui doivent prendre leur place dans le marketing territorial ! 

En créant le Fonds de dotation essentiem à l’été 2020, nous venons de lancer une initiative d’envergure nationale au service des citoyens comme des acteurs du tourisme. C’est une initiative unique, au service d’un tourisme durable et bienveillant, offrant de nouvelles perspectives d’actions collectives au service de l’intérêt général. Ce dispositif reprend les modèles de financement propre à la sphère du mécénat, s’appuyant sur le dispositif fiscal très incitatif au don et à la générosité.
Nos 3 priorités (qui donnent lieu à des actions qui débutent) s’incarnent dans la lutte contre l’exclusion à l’accès aux activités touristiques, dans la promotion d’un tourisme éco-responsable et dans le partage de connaissances nouvelles. Pour autant, nous restons ouverts à d’autres sujets si intérêt fort. 
C’est une entité juridique indépendante, avec son propre conseil d’administration, constitué aujourd’hui par de grands acteurs que sont Club Med, Domaines Skiables de France, Easyvoyage/Wébédia, Vacancéole, VVF et Auvergne Rhône-Alpes tourisme. Autant dire que les points de vue et les envies d’agir se complètent, pour défricher de nouveaux champs d’actions ensemble. La particularité de ce fonds, c’est de pouvoir mener des actions décidées par ce conseil d’administration mais aussi d’héberger des initiatives d’intérêt général portés par des acteurs publics ou privés. Ainsi, France Montagne a lancé une grande opération « Montagne solidaire » à l’été 2020, hébergée par Essentiem. Beaucoup de territoires se montrent intéressés par cette opportunité de mécénat sur des opérations historiques ou à venir : ils sont les bienvenus pour rejoindre le collectif Essentiem et bénéficier de nombreux services (juridiques ; financiers et marketing) ainsi que de l’effet réseau. Cet outil permet donc de piloter des projets mais aussi de se mettre à la disposition de leaders de cause qui ne sont pas spécifiquement des acteurs de l’intérêt général : nous devenons leur boîte à outils pour collecter ensemble et réussir leur projet.

Dernière question, quelles sont selon toi les 3 questions clés que doivent se poser aujourd’hui les marketeurs territoriaux opérant dans le tourisme ?

  • La valorisation touristique de mon territoire est-elle profondément ancrée dans son économie locale ? 
  • Comment puis-je favoriser la rencontre pour ne plus visiter un territoire mais le vivre ?
  • Les points d’intérêt et les offres touristiques de mon territoire ont-ils une contribution nette positive aux enjeux de durabilité et/ou de préservation de nos espaces ?
     

Propos recueillis en avril 2021. Remerciements à Lionel Flasseur et toute son équipe. 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article